Le grand sommeil

Je deviens moins prolixe… que se passe -t-il? Est-ce un effet de la grippe cochonne? Oui, ça doit être cela, je suis victime d’un ramollissement du cerveau… Et vous? C’est facile, pour le savoir , voyez si vous êtes encore capable de conceptualiser, d’échafauder des théories politiques et sociales, d’avoir une opinion constructive autre que, je suis pour- je suis contre (ou nsp)…

Mais je vous rassure tout de suite: ce n’est pas de votre faute, c’est la MALADIE - le ramollissement- il existe d’ailleurs une assurance contre ce malaise dans notre société ou tout est couvert et tout a une compensation (financière bien sûr, le reste est sans importance)-

Plus difficile à dévoiler, la Cause - oh le vilain mot ! - de ce ramollissement. Je vous le dit tout doucement, sans répercussion, sans effet médiatique, sans buzz comme on dit: eh, bien l’origine de ce mal vient de la peur! La peur - le mal, un couple vieux comme le monde! Vous n’avez pas remarqué comment notre société, sous couvert d’assurer notre protection, nous gouverne sous la houlette de la pétoche? Peur de la crise, peur de la grippe, peur des cagoulés, peur des attentats… Et tout le cortège qui se débobine: purification économique avec les saignées rédemptrices qui ne sont quasiment plus des licenciements, matraquage médiatique, fichage des individus (on pourrait pas aussi demander les empreintes avant de manifester? Après tout, pour celui qui n’a rien à se reprocher, c’est pratique!) et contrôles aux aéroports… Pourtant on sait bien -confusément, toujours le même problème de bouillie- que la solution n‘est pas forcément la bonne, que les mots ne collent pas vraiment à la résolution et à l‘évolution. Entre nous, je ne suis pas sûr que ces énormes contrôles soient une réelle parade à une solide intention terroriste ou autre, que le fichage soit la clé de la maîtrise de la violence, que l’économie telle qu’elle est soit une fatalité… Mais avec tout ça , avec ce beau discours qui vous déresponsabilise en vous laissant croire qu’on saisit le problème d’une poigne de fer, vous mes amis, vous pouvez dormir sur vos deux oreilles, en veillant bien à ce que votre cerveau soit irrigué par les ondes transversales du sommeil, peuplé de cauchemars qui passent docilement d’une oreille à l’autre et occupent tous les labyrinthes de vos limbes… Moi comme beaucoup d’enfants, je sais bien qu’il faut parler du cauchemar pour le maîtriser: l’Etat s’en charge… Il parle, il explique, il prend des mesures, il assure votre Sécurité! Au moins là, on ne peut pas dire qu’il est inefficace: il s’agite dans toutes les directions, brandit des gousses d‘ail et autres gris-gris, bref, il lutte contre cette peur qu’il a créée pour asseoir son pouvoir. La peur, c’est pratique, un instinct primaire et ancestral qui a fait ses preuves et qui permet de rabattre le caquet aux curieux, ces dangereux personnages qui pourraient contester et instiller la zizanie dans le bel ordre instauré par la Sacro Sainte Peur. La sacro-sainte, oui, c’est bien cela, le diable avec ses cornes a toujours réussi à consumer, fondre et fusionner, y compris tous les métaux les plus nobles avec lesquels on bâtit un monde altier et fier de l’être. Moi, je suis jeune certes, mais je n’ai pas peur de combattre, pas peur d’avoir peur, je suis prêt à bâtir, à saisir les chances et les instruments, si on me fait juste un peu confiance, qu’on me laisse faire mes preuves, avec mon peu d’expérience mais la force de ceux qui luttent contre le grand sommeil et son ron-ron effrayant…