Circulez, y'a rien à voir !

Aujourd’hui, le mari de ma nounou, Brahim, désespéré de ses conditions de logement, m’a déclaré: Il faut les menacer, leur faire peur… J’ai compris qu’il visait les politiques qui décident en la matière, de l’office d’attribution des logements HLM, et de tout cette administration en vrac mais je n’ai pas osé imaginer les moyens évoqués. Fallait-il débarquer avec un fusil à l’Office, mettre le feu, menacer tel décideur de prison… Je ne sais pas, mais j’ai vu tout cela défiler distinctement dans ses yeux noirs. Et puis, plus tard, j’ai entendu… Des mots que lui n’avait pas entendus: on les avait écartés d’un logement parce qu’ils n’avaient pas la tête de l’emploi, comme on dit… Du racisme larvé, odieux, qui ne dit pas son nom. Et lui, face à cette injustice sournoise, non avouée, injustice voilée sous le masque la nécessité («  vous comprenez, le logement proposé n‘est plus libre »), lui , se retrouve seul et démuni, sans ennemi identifiable et sans autre arme que la souffrance et la violence. Aucun bagage éducatif, financier ou intellectuel appropriés pour demander des explications claires, pointer les questions sans réponse, recourir à la justice… Le Magnetoba ne répond plus! L’injustice ne s’exprime pas, alors comment l’identifier, répondre? De cela naît un sentiment d’impuissance, de frustration, dues à la macération d’un ressenti d’injustice que l’on ne peut même pas brandir comme un drapeau, une injustice sans statut de victime… Et dans le creux de cette sensation se love et grandit la rage, ou certains disent « la haine » qui mène à la révolte. Une révolte sans issue, sans projet, sans l’évolution de la r…évolution. C’est là que j’ai compris l’intérêt de comprendre, car c’est la seule arme contre le mensonge, sous toutes ses formes. Mais dans ce cas, il faut associer tout le monde, casser la confiscation du pouvoir, les citadelles de savoirs ou d’expertises. C’est trop facile de s’abriter derrière une soi-disant complexité pour vous mettre à l’écart et vous laisser désemparé avec vos idées qualifiées de « simplistes ». Simplistes mes idées? Moi, enfant de la rue, ça fait longtemps que je dis que je voudrais comprendre certains écarts colossaux de salaires entre certains hommes (caissières, manutentionnaires, professeurs, chercheurs…) et d’autres (dirigeants de banques ou de groupes industriels, et toutes personnes bien placées qui n’ont pas inventé la lune). Ca fait longtemps que je constate la dégradation de la nature, les mouvements internationaux de capitaux non taxés, l’absence de générosité des Etats riches envers les plus pauvres alors qu’on me somme de participer à un effort national sur lequel je n’ai pas mon mot à dire… Mais moi, je n’ai pas d’explications à recevoir, pas la parole, ah si excusez moi, on vote une fois de temps en temps pour de vaines promesses que des gens suffisants et fiers de leur pouvoir profèrent tels les messies d’un monde qui est inaccessible à nos petits esprits! Mais moi, je suis curieux et je lève le voile, un voile qui nous laisse croire qu’on est aveugle et incompétent, sans crainte de vous laisser l’arrière goût d’injustice qui s’allumait dans l’œil noir de Brahim.